Alice Guy Blaché - née Alice Ida Antoinette Guy (1er juillet 1873 à Saint-Mandé - 24 mars 1968 dans le New Jersey / États-Unis)
Pionnière et visionnaire, elle fut la première réalisatrice et scénariste de fiction de l'histoire du cinéma avec "La Fée aux choux" qu'elle tourna en 1896 (avant Georges Méliès), première femme productrice et première femme créatrice d'une société de production de film en 1910. Elle innova avec le Chronophone, système de synchronisation du son de Gaumont,la colorisation, les effets spéciaux et le casting interracial.
« On a souvent contesté à Alice Guy le mérite d'avoir été, après Louis Lumière, la première personne au monde à réaliser des films de fiction, donc la première cinéaste, sans distinction de sexe. Aujourd'hui, il est rigoureusement établi que, contrairement aux affirmations hasardeuses de certains spécialistes de la question, Alice Guy a réalisé sa Fée aux choux au début de l'année 1896, quelques semaines avant l'entrée en lice de Georges Méliès » (Charles Ford, historien du cinéma).
« Alice Guy était une réalisatrice exceptionnelle, d'une sensibilité rare, au regard incroyablement poétique et à l'instinct formidable. Elle a écrit, dirigé et produit plus de mille films. Et pourtant, elle a été oubliée par l'industrie qu'elle a contribué à créer ». Martin Scorsese, réalisateur, New York, octobre 2011.
Cadette de cinq enfants d'un couple de français installés au Chili - Mariette et son époux Emile Guy, riche propriétaire d’une chaîne de librairies et d’une maison d’édition de Santiago - Alice Guy naît en France, à Saint-Mandé le 1 er juillet 1873.
Laissée aux soins de sa grand-mère à Carouge, en Suisse jusqu’à l’âge de trois ou quatre ans, elle retrouve ensuite ses parents au Chili où elle apprend l’espagnol auprès de la famille de sa nourrice chilienne.
A six ans elle est renvoyée en France et bientôt rejoint deux de ses sœurs à la pension du Couvent du Sacré Cœur à la frontière suisse.
En 1884, une série de tremblements de terre, d'incendies et de vols entraîne la faillite de son père, la famille rentre en France, ses soeurs se marient , et Alice poursuit ses études dans une école moins onéreuse. Son frère décède après une longue maladie, bientôt suivi par son père en 1893..
Pour subvenir à ses besoins et ceux de sa mère à Paris, Alice apprend la sténographie et la dactylographie et trouve son premier emploi dans une usine de vernis.
Un an plus tard, en 1894, Alice Guy pour l'heure âgée de 21 ans est embauchée comme secrétaire au Comptoir général de la photographie de Félix Richard auprès de Léon Gaumont, alors au poste de directeur.
L'entreprise va rapidement péricliter et Gaumont rachète le stock pour créer sa propre compagnie qui s'impose très vite à la tête de l'industrie cinématographique débutante en France.
Alice Guy prend le parti de le suivre, une décision qui la mènera à une carrière de pionnière d'environ 25 ans dans le tournage, la direction, la production, l'écriture et la supervision de plus de 700 films.
Elle entrevoit rapidement les avantages de son travail de secrétaire, apprend le métier en côtoyant les nombreux clients et se familiarisant aux stratégies de marketing et au stock de caméras de la compagnie. Elle rencontre également quelques ingénieurs de cinéma importants tels que Georges Demeny, Auguste et Louis Lumière.
Dans la course pour résoudre le problème de la projection des films, Gaumont et Alice assistent à l'événement du 22 mars 1895, la première représentation du documentaire des frères Lumière montrant les travailleurs sortant de leur usine lyonnaise.
C'est alors que Alice Guy prend conscience du réel potentiel du cinéma qui dépasse celui du documentaire et de la publicité. Convaincue qu'elle pourrait introduire des éléments de fiction dans le cinéma, elle obtient de Léon Gaumont, conscient de son imagination fertile et de l'étendue de sa culture, la permission de faire son propre film pendant ses loisirs.
Le premier film d'Alice Guy, premier film de fiction au monde, est La Fée aux Choux qu'elle tourne en 1896. C'est l'histoire d'une femme qui fait pousser des enfants dans un parterre de choux.
A la tête de la production de Gaumont de 1897 à 1906, Alice Guy est la première cinéaste à développer de façon systématique le film de fiction, dirigeant les premiers bobineaux et choisissant ses collaborateurs, employant ainsi Ferdinand Zecca et aussi Louis Feuillade comme réalisateur et Henri Ménessier comme décorateur.
Ses premiers films partagent beaucoup de caractéristiques et de sujets avec ceux de ses collègues Auguste et Louis Lumière et Georges Méliés mais elle innove ensuite dans le choix des sujets.
Elle explore le domaine de la danse et des voyages qui souvent cohabitent dans ses œuvres comme "Le Boléro" et "Tango", deux films de 1905 colorés à la main et situés en Espagne.
En 1906 elle tourne "La Vie du Christ", une production à gros budget pour l'époque de 600 m de film en 25 tableaux et avec 300 figurants pour lequel elle recevra la médaille de la ville de Milan.
Alice Guy est également une des pionnières dans l'illustration sonore des images avec le système du Chronophone de Gaumont développé par Georges Demeny et utilisant un disque coupé verticalement synchronisé au film.
Entre 1902 et 1906 elle réalise ou dirige la production d'une centaine de phonoscènes qui ont permis de conserver les prestations de chanteurs d'opéra et de chansonniers populaires comme Dranem ou Félix Mayol.
Elle fera même tourner le making-of d'un film intitulé Aujourd'hui Alice Guy tournant une phonoscène.
Elle innove encore en utilisant des effets spéciaux, comme la technique de double exposition pour superposer des images et même le retour du film en arrière.
Elle réalise personnellement plusieurs centaines de films, courts comme tous ceux de l'époque.
Elle rencontre sur un tournage un opérateur venant de l'agence Gaumont de Londres, Herbert Blaché, l'épouse en 1907 et le suit lorsque Léon Gaumont l'envoie comme directeur de la firme aux Etats-Unis pour la vente et le développement du chronophone. Ils y travaillent trois années ensemble à Flushing, près de New York.
En 1910, sans quitter les installations de Flushing, ils se lancent dans la création de la compagnie Solax Film Co, dont Alice est présidente et directrice de production.
Deux ans plus tard la compagnie connait un tel succès qu'ils peuvent investir plus de 100.000 dollars US dans de nouvelles installations équipées de la technologie de pointe à Fort Lee dans le New Jersey. Solax devient l'un des plus grands studios de production américains de la période pré hollywoodienne.
Dans son studio, Alice Guy affiche un grand panneau "Soyez Naturels".
Elle tourne des mélodrames (Falling Leaves, 1912), des westerns (Greater Love Hath no Man, 1911), des films sur la Guerre civile (For the Love of the Flag, 1912). Elle consacre quelques oeuvres aux problèmes ethniques : Across the Mexican Line (1911), A Man is a Man(1912), Making of an American Citizen (1913).
A cette époque, les films d'une seule bobine, les One reel movies d'un quart d'heure, n'ont plus les faveurs du public, ils sont remplacés par les Three reel movies de 45 minutes comme Fra Diavolo (1912) et Dick Whittington Cat (1913).
Alice et son mari travaillent ensemble mais, souhaitant se consacrer davantage à l'écriture et à la mise en scène, elle lui laisse la présidence de Solax lorsque le contrat le liant à Gaumont se termine en 1913. Trois mois après, Herbert Baché crée sa propre compagnie Blaché Features qui absorbera la Solax.
En 1914 Alice Guy réalise un film où la traite des femmes blanches est évoquée, en 1916 suivent sept long métrages dont Ocean Waif et puis The Empress en 1917.
Alice Guy et son mari rejoignent la Popular Plays and Players pour qui Alice produit et tourne en 1917 ainsi que pour US Amusements.
Plus tard, c'est au service d'autres compagnies que Alice Guy réalise des films selon des scénarios imposés. Elle tourne son dernier film en 1920.
Le cinéma migre sur la côte ouest à Hollywood où peu de place est disponible pour les indépendants dans une énorme industrie , les studios de Fort Lee devront être vendus pour solder les dettes conséquentes à la gestion hasardeuse de Herbert Blaché.
Le déclin de l’industrie cinématographique de la côte Est met fin à leur partenariat comme à leur mariage, Alice Guy et Herbert Blaché divorcent en 1922.
Alice Guy retourne alors en France avec ses deux enfants, où elle ne parvient pas à retrouver sa place chez Gaumont ou dans une autre firme.
En 1927 elle retourne aux Etats-Unis dans l’espoir de retrouver ses films et de faire publier ses mémoires, mais c’est un échec.
Pendant les 30 années qui suivent elle donne des conférences sur le cinéma dans des universités et à l’occasion de rencontres et écrit des contes sous des pseudonymes .
Le gouvernement français lui offre la Légion d’Honneur en 1955.
En 1957, à l’initiative de Louis Gaumont, fils de Léon, la cinémathèque française lui rend un hommage.
En 1963 Victor Bachy l’interviewe et publie sa biographie.
Elle suit sa fille dans ses différents postes d’ambassadrice des États-Unis en France, en Suisse, en Belgique puis retourne aux États-Unis où elle s'éteint en mars 1968 dans une maison de soins du New Jersey, à l’âge de 94 ans. Elle est enterrée au cimetière de Maryrest.
Pour en savoir davantage :
https://www.onf.ca/film/jardin_oublie
- Alison McMahan : "Alice Guy Blaché, lost visionary of the Cinema"
- Victor Bachy : "Alice Guy Blaché : 1873-1968 : la première femme cinéaste du monde"
« On a souvent contesté à Alice Guy le mérite d'avoir été, après Louis Lumière, la première personne au monde à réaliser des films de fiction, donc la première cinéaste, sans distinction de sexe. Aujourd'hui, il est rigoureusement établi que, contrairement aux affirmations hasardeuses de certains spécialistes de la question, Alice Guy a réalisé sa Fée aux choux au début de l'année 1896, quelques semaines avant l'entrée en lice de Georges Méliès » (Charles Ford, historien du cinéma).
« Alice Guy était une réalisatrice exceptionnelle, d'une sensibilité rare, au regard incroyablement poétique et à l'instinct formidable. Elle a écrit, dirigé et produit plus de mille films. Et pourtant, elle a été oubliée par l'industrie qu'elle a contribué à créer ». Martin Scorsese, réalisateur, New York, octobre 2011.
Cadette de cinq enfants d'un couple de français installés au Chili - Mariette et son époux Emile Guy, riche propriétaire d’une chaîne de librairies et d’une maison d’édition de Santiago - Alice Guy naît en France, à Saint-Mandé le 1 er juillet 1873.
Laissée aux soins de sa grand-mère à Carouge, en Suisse jusqu’à l’âge de trois ou quatre ans, elle retrouve ensuite ses parents au Chili où elle apprend l’espagnol auprès de la famille de sa nourrice chilienne.
A six ans elle est renvoyée en France et bientôt rejoint deux de ses sœurs à la pension du Couvent du Sacré Cœur à la frontière suisse.
En 1884, une série de tremblements de terre, d'incendies et de vols entraîne la faillite de son père, la famille rentre en France, ses soeurs se marient , et Alice poursuit ses études dans une école moins onéreuse. Son frère décède après une longue maladie, bientôt suivi par son père en 1893..
Pour subvenir à ses besoins et ceux de sa mère à Paris, Alice apprend la sténographie et la dactylographie et trouve son premier emploi dans une usine de vernis.
Un an plus tard, en 1894, Alice Guy pour l'heure âgée de 21 ans est embauchée comme secrétaire au Comptoir général de la photographie de Félix Richard auprès de Léon Gaumont, alors au poste de directeur.
L'entreprise va rapidement péricliter et Gaumont rachète le stock pour créer sa propre compagnie qui s'impose très vite à la tête de l'industrie cinématographique débutante en France.
Alice Guy prend le parti de le suivre, une décision qui la mènera à une carrière de pionnière d'environ 25 ans dans le tournage, la direction, la production, l'écriture et la supervision de plus de 700 films.
Elle entrevoit rapidement les avantages de son travail de secrétaire, apprend le métier en côtoyant les nombreux clients et se familiarisant aux stratégies de marketing et au stock de caméras de la compagnie. Elle rencontre également quelques ingénieurs de cinéma importants tels que Georges Demeny, Auguste et Louis Lumière.
Dans la course pour résoudre le problème de la projection des films, Gaumont et Alice assistent à l'événement du 22 mars 1895, la première représentation du documentaire des frères Lumière montrant les travailleurs sortant de leur usine lyonnaise.
C'est alors que Alice Guy prend conscience du réel potentiel du cinéma qui dépasse celui du documentaire et de la publicité. Convaincue qu'elle pourrait introduire des éléments de fiction dans le cinéma, elle obtient de Léon Gaumont, conscient de son imagination fertile et de l'étendue de sa culture, la permission de faire son propre film pendant ses loisirs.
Le premier film d'Alice Guy, premier film de fiction au monde, est La Fée aux Choux qu'elle tourne en 1896. C'est l'histoire d'une femme qui fait pousser des enfants dans un parterre de choux.
A la tête de la production de Gaumont de 1897 à 1906, Alice Guy est la première cinéaste à développer de façon systématique le film de fiction, dirigeant les premiers bobineaux et choisissant ses collaborateurs, employant ainsi Ferdinand Zecca et aussi Louis Feuillade comme réalisateur et Henri Ménessier comme décorateur.
Ses premiers films partagent beaucoup de caractéristiques et de sujets avec ceux de ses collègues Auguste et Louis Lumière et Georges Méliés mais elle innove ensuite dans le choix des sujets.
Elle explore le domaine de la danse et des voyages qui souvent cohabitent dans ses œuvres comme "Le Boléro" et "Tango", deux films de 1905 colorés à la main et situés en Espagne.
En 1906 elle tourne "La Vie du Christ", une production à gros budget pour l'époque de 600 m de film en 25 tableaux et avec 300 figurants pour lequel elle recevra la médaille de la ville de Milan.
Alice Guy est également une des pionnières dans l'illustration sonore des images avec le système du Chronophone de Gaumont développé par Georges Demeny et utilisant un disque coupé verticalement synchronisé au film.
Entre 1902 et 1906 elle réalise ou dirige la production d'une centaine de phonoscènes qui ont permis de conserver les prestations de chanteurs d'opéra et de chansonniers populaires comme Dranem ou Félix Mayol.
Elle fera même tourner le making-of d'un film intitulé Aujourd'hui Alice Guy tournant une phonoscène.
Elle innove encore en utilisant des effets spéciaux, comme la technique de double exposition pour superposer des images et même le retour du film en arrière.
Elle réalise personnellement plusieurs centaines de films, courts comme tous ceux de l'époque.
Elle rencontre sur un tournage un opérateur venant de l'agence Gaumont de Londres, Herbert Blaché, l'épouse en 1907 et le suit lorsque Léon Gaumont l'envoie comme directeur de la firme aux Etats-Unis pour la vente et le développement du chronophone. Ils y travaillent trois années ensemble à Flushing, près de New York.
En 1910, sans quitter les installations de Flushing, ils se lancent dans la création de la compagnie Solax Film Co, dont Alice est présidente et directrice de production.
Deux ans plus tard la compagnie connait un tel succès qu'ils peuvent investir plus de 100.000 dollars US dans de nouvelles installations équipées de la technologie de pointe à Fort Lee dans le New Jersey. Solax devient l'un des plus grands studios de production américains de la période pré hollywoodienne.
Dans son studio, Alice Guy affiche un grand panneau "Soyez Naturels".
Elle tourne des mélodrames (Falling Leaves, 1912), des westerns (Greater Love Hath no Man, 1911), des films sur la Guerre civile (For the Love of the Flag, 1912). Elle consacre quelques oeuvres aux problèmes ethniques : Across the Mexican Line (1911), A Man is a Man(1912), Making of an American Citizen (1913).
A cette époque, les films d'une seule bobine, les One reel movies d'un quart d'heure, n'ont plus les faveurs du public, ils sont remplacés par les Three reel movies de 45 minutes comme Fra Diavolo (1912) et Dick Whittington Cat (1913).
Alice et son mari travaillent ensemble mais, souhaitant se consacrer davantage à l'écriture et à la mise en scène, elle lui laisse la présidence de Solax lorsque le contrat le liant à Gaumont se termine en 1913. Trois mois après, Herbert Baché crée sa propre compagnie Blaché Features qui absorbera la Solax.
En 1914 Alice Guy réalise un film où la traite des femmes blanches est évoquée, en 1916 suivent sept long métrages dont Ocean Waif et puis The Empress en 1917.
Alice Guy et son mari rejoignent la Popular Plays and Players pour qui Alice produit et tourne en 1917 ainsi que pour US Amusements.
Plus tard, c'est au service d'autres compagnies que Alice Guy réalise des films selon des scénarios imposés. Elle tourne son dernier film en 1920.
Le cinéma migre sur la côte ouest à Hollywood où peu de place est disponible pour les indépendants dans une énorme industrie , les studios de Fort Lee devront être vendus pour solder les dettes conséquentes à la gestion hasardeuse de Herbert Blaché.
Le déclin de l’industrie cinématographique de la côte Est met fin à leur partenariat comme à leur mariage, Alice Guy et Herbert Blaché divorcent en 1922.
Alice Guy retourne alors en France avec ses deux enfants, où elle ne parvient pas à retrouver sa place chez Gaumont ou dans une autre firme.
En 1927 elle retourne aux Etats-Unis dans l’espoir de retrouver ses films et de faire publier ses mémoires, mais c’est un échec.
Pendant les 30 années qui suivent elle donne des conférences sur le cinéma dans des universités et à l’occasion de rencontres et écrit des contes sous des pseudonymes .
Le gouvernement français lui offre la Légion d’Honneur en 1955.
En 1957, à l’initiative de Louis Gaumont, fils de Léon, la cinémathèque française lui rend un hommage.
En 1963 Victor Bachy l’interviewe et publie sa biographie.
Elle suit sa fille dans ses différents postes d’ambassadrice des États-Unis en France, en Suisse, en Belgique puis retourne aux États-Unis où elle s'éteint en mars 1968 dans une maison de soins du New Jersey, à l’âge de 94 ans. Elle est enterrée au cimetière de Maryrest.
Pour en savoir davantage :
https://www.onf.ca/film/jardin_oublie
- Alison McMahan : "Alice Guy Blaché, lost visionary of the Cinema"
- Victor Bachy : "Alice Guy Blaché : 1873-1968 : la première femme cinéaste du monde"