Rosa Parks - née Rosa Louise McCauley (Tuskegee le 04 février 1913 – Detroit le 24 octobre 2005 ) - Activiste antiségrégationniste américaine.
Rosa Louise McCauley Parks, fut une activiste des droits des Afro-américains aux Etats-Unis où elle devint une figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale. Le Congrès l’a surnommée « la Mère du Mouvement pour les Droits Civiques ».
Après son décès, la classe politique dans son ensemble lui a rendu hommage. Le président George W. Bush a honoré sa mémoire dans une allocution télévisée et son corps est resté exposé deux jours dans la rotonde du Capitole pour un hommage public. Une statue lui a été érigée dans le Hall national du Capitole.
Rosa Parks est célèbre pour son refus de céder sa place à un passager blanc dans un autobus le 1er décembre 1955, à Montgomery (Alhabama). Son arrestation et sa condamnation à une amende pour cet acte de résistance passive ont déclenché une campagne de protestation et le boycott de la compagnie de bus soutenu par Martin Luther King Jr. et qui ne faiblira pas jusqu'à ce que la Cour suprême déclare anticonstitutionnelles les lois ségrégationnistes dans les bus le 13 novembre 1956.
C'est dans son autobiographie "My Story" qu'elle raconte en détail son aventure.
Rosa Louise McCauley est née le 4 février 1913 à Tuskegee, en Alabama, d’un père charpentier maçon et d’une mère enseignante. Comme ses parents, Leona et James, ne s’accordaient pas sur un projet d’avenir commun, ils se séparèrent et Rosa partit très tôt avec sa mère et son jeune frère vivre chez ses grands parents qui possédaient une petite ferme à Pine Level.
Rosa savait très peu de choses de ses ancêtres paternels alors que son ascendance maternelle lui était très familière. Blancs et noirs s’y mêlaient, de son arrière grand-père irlando-écossais James Percival qui avait épousé Mary Jane, une esclave noire, au grand-père Sylvester Edwards, fruit métissé très clair des amours d’un propriétaire de plantation blanc avec sa domestique sang-mêlé et qui épousa Rose, une des filles de Percival.
Après l’abolition de l’esclavage, Percival et Mary Jane achetèrent des terres à la famille Wright et construisirent un cabanon ; ensuite, pour remercier Rose d’avoir continué à prendre soin d’elle, la fille de Wright lui fit cadeau d’autres terres et de la ferme. Ils étaient les seuls propriétaires noirs sur la plantation. Ils élevaient des poules, des vaches, cultivaient des légumes et avaient des arbres fruitiers, des noyers et des pacaniers. Pour gagner un peu d’argent ils travaillaient aussi sur la plantation pour Moses Hudson le nouveau patron, les femmes cueillaient le coton.
De santé et de constitution fragile, souffrant d’angine chronique, Rosa était moins développée que les enfants de son âge et manquait souvent l’école en hiver. Cependant sa mère qui continuait à enseigner veilla à ce qu’elle reçoive une bonne éducation et lui apprit elle-même à lire à trois ou quatre ans. Entre six et onze ans elle fréquenta plus ou moins régulièrement les écoles primaires rurales, souvent celles où enseignait sa mère puis à l'âge de onze ans, après l'ablation de ses amygdales, elle fut enfin assez robuste pour suivre les cours de l'Industrial School for Girls, fondée par des familles blanches du Nord pour les enfants Noirs, à Montgomery où habitait sa tante. Trois ans plus tard, après la fermeture de l’école, Rosa continua ses études secondaires à l'Alabama State Teachers College for Negroes mais elle dut les interrompre pour s'occuper de sa grand-mère et de sa mère, qui tombèrent malades.
Dès son enfance, Rosa fut témoin de la ségrégation profondément ancrée en Alabama.
Son grand-père Sylvester qui, après la mort de ses parents, avait été terriblement maltraité dans sa jeunesse par le nouveau propriétaire de la plantation, voulait que ses filles et ses petits enfants aient une bonne éducation et n’aient pas à subir la discrimination des blancs.
Rosa fut confrontée au racisme et prit conscience des différences de condition entre les enfants blancs et les noirs. Les écoles des blancs étaient subventionnées, construites et chauffées grâce aux impôts dont s'acquittaient blancs et noirs mais ces derniers devaient construire et chauffer leurs propres écoles où les enfants s'entassaient à 50 ou 60 par classe sans bureau pour écrire, avec de simples panneaux de bois aux fenêtres en guise de
carreaux. Les enfants blancs allaient à l'école en bus, jetant souvent des détritus par les fenêtres sur les jeunes noirs qui s'y rendaient à pied. Tandis que les enfants blancs fréquentaient l’école neuf mois par an, les enfants noirs n’y allaient que cinq mois car ils devaient aider les parents aux semailles de printemps et aux récoltes automnales.
Plus tard elle se souvenait encore des provocations des gamins blancs auxquelles il était dangereux de répondre et elle se rappelait aussi le Ku Klux Klan défilant sur la route devant sa maison et son grand-père près du feu sur son rocking-chair gardant son fusil de chasse à portée, les églises baptistes brûlées, les maisons incendiées et les meurtres.
Pourtant elle savait aussi que d'autres américains blancs, les Yankees du Nord, traitaient les noirs, adultes et enfants avec équité.
C'est à Montgomery, davantage encore que dans son village que la ségrégation était manifeste ; en raison des lois Jim Crow, la plupart des électeurs noirs étaient privés de leurs droits civiques.
Les lois Jim Crow étaient des lois d'état et locales faisant respecter la ségrégation raciale dans le Sud des États-Unis. Elle succédèrent aux lois qui avaient précédemment limité les droits et les libertés civiques des Afro-Américains entre 1800 et 1866. Edictées après la période de Reconstruction, ces lois sont restées en vigueur jusqu'à 1965. Elles ont imposé la ségrégation raciale « de droit » dans tous les équipements publics des anciens Etats Confédérés d'Amérique, à partir de 1890 avec un statut pour les Afro-Américains "séparés, mais égaux". Comparés aux équipements des blancs, ceux des Afro-Américains étaient systématiquement moins bons et insuffisamment financés. Cet ensemble de lois a institutionnalisé un certain nombre d’iniquités économiques, éducatives et sociales.
Les lois Jim Crow ont imposé la ségrégation dans l’ensemble des lieux et des services publics, les écoles, les transports, les toilettes, les restaurants, les fontaines.
Exemples de lois en Alabama:
concernant les Infirmières - « Aucune personne ou société n'exigera de n'importe quelle infirmière féminine blanche de travailler dans les salles d'hôpitaux, publics ou privés, dans lesquels des Noirs sont placés. »
Autobus - « Toutes les stations de cet État, quelle que soit la compagnie de transport, devront avoir des salles d'attente et des guichets séparés pour les blancs et pour les personnes de couleur. »
Transports ferroviaires - « Les conducteurs de train de voyageurs doivent assigner à chaque passager le wagon ou le compartiment qui lui est destiné selon sa couleur. »
Restaurants - « Tout restaurant ou tout autre endroit où est servi de la nourriture sera illégal s'il ne prévoit pas des salles distinctes pour les personnes blanches et de couleur, à moins que celles-ci ne soient efficacement séparées par une cloison pleine s'étendant du plancher vers le haut à une distance minimale de sept pieds et à moins qu'une entrée séparée soit prévue. »
La discrimination existait également au sein de l'armée des États-Unis comme dans tous les services administratifs fédéraux depuis la Présidence de Woodrow Wilson, président du Sud élu en 1913. En exigeant que les candidats soumettent leur photo, l'administration a pratiqué la discrimination raciale dans l'embauche.
Les soldats noirs avaient rarement de promotion et sur les champs de bataille on leur assignait toujours les corvées les plus pénibles, au front, la charge de ramener les blessés et les cadavres.
L'ensemble des lois Jim Crow ont été abolies par le "Civil Rights Act" (Loi concernant les droits civiques) de 1964 et par le "Voting Rights Act" (la Loi sur le Droit de Vote) de 1965 signées par le Président Lyndon Baines Johnson. Cependant des années d'action et de procès furent nécessaires pour clarifier les nombreux moyens de discrimination institutionnels.
En décembre 1932, Rosa McCauley a épousé Raymond Parks, un coiffeur de Montgomery. Né comme elle en Alabama mais orphelin de père et vivant dans un endroit où il n’y avait pas d’école pour les noirs, il avait seulement appris à lire et à écrire avec sa mère.
Activiste des droits civiques, il militait au sein du NAACP (National Association for the Advancement of Colored People – association de défense des gens de couleur), une organisation nationale fondée le 12 février 1909, date de l'anniversaire du Président Abraham Lincoln et dont les quartiers généraux étaient à New York.
Il s'occupait de nombreux cas et notamment ’collectait de l'argent pour soutenir un groupe de jeunes Noirs, les "Scottboro Boys", faussement accusés de viols sur deux femmes blanches et condamnés à mort.
Malgré le danger, les menaces, Rosa a participé au mouvement en récoltant des fonds et en assumant d'autres initiatives.
Encouragée par son mari et malgré ses charges familiales, elle reprit ses études secondaires et obtint son diplôme en 1933 ; cependant la ségrégation ne lui permettait pas de trouver un travail correspondant à ses capacités et elle a travaillé comme aide-soignante à l’Hôpital Sainte Margaret et comme couturière.
En 1941, grâce à la loi de Roosevelt interdisant la ségrégation dans les bases militaires, elle fut employée à la base de l’armée de l’air locale Maxwell Field.
En 1943, Rosa et son mari s’investirent pour obtenir le Droit de Vote. Elle-même, obligée de passer des tests, surmontant maintes difficultés et après plusieurs refus, finit par l’obtenir en 1945 mais dû acquitter une forte taxe.
Cette même année de 1943, tout en travaillant, Rosa Parks devint membre du NAACP et la secrétaire de son président E.D. Nixon. Elles n’étaient que deux femmes à l’époque dans la section de Mongomery.
Elle s’occupait des cotisations, du courrier, des communiqués de presse et surtout de l’enregistrement détaillé de l’ensemble des nombreux cas d’injustice et de violence traités.
Il n’était pas facile d’aider ces personnes, des femmes violées comme Recy Taylor d’Abbeville ou à l’inverse, des hommes accusés de viol par leurs petites amies blanches craignant des représailles, comme Jeremiah Reeves. Souvent les gens avaient peur de témoigner.
A la fin des années 40, après la seconde guerre mondiale, la situation a empiré. Les vétérans noirs qui avaient combattu pour défendre la liberté en Europe et où ils avaient été respectés et bien reçus n'acceptaient plus la ségrégation raciale. De retour dans le Sud ils furent méprisés,on leur refusa le droit de vote, ils ne trouvèrent pas d'emploi. Comme nombre d'entre eux, le frère de Rosa préféra partir s'installer à Detroit (Michigan) avec sa famille.
La violence des blancs s'intensifia dans tout le Sud, en Alabama et en Caroline du Sud et les personnes à défendre et les actions à mener se multiplièrent pour le NAACP. La haine et la violence connurent leur apogée en 1949.
En 1950, ED Nixon ne présidait plus mais restait très impliqué au NAACP. Il présidait la branche locale de la Fraternité des porteurs des Wagons-lits et utilisait son bureau en ville pour ses activités politiques et Rosa l'assistait bénévolement pour le secrétariat.
Le 17 mai 1954 la ségrégation dans les écoles publiques fut déclarée inconstitutionnelle par l'arrêt Brown v. Board of Education de la Cour Suprême des Etats-Unis. Cela avait commencé par des années de lutte dans les années 20 et 30 pour que les enseignants noirs soient payés comme les blancs. Ce n'est qu'à l'automne de 1945 que les salaires devinrent égaux.
Quand le NAACP s'engagea en 1951 dans la lutte contre la ségrégation dans les écoles, il a fallu trouver des gens qui se portent plaignants au péril de leur vie pour que les affaires parviennent en Haute Cour et soient finalement soumises à la Cour Suprême.
Après cela l’espoir en l’avenir était permis dans la communauté afro-américaine et deux avocats noirs s’installèrent à Montgomery, Fred Gray et Charles Langford.
C'est en 1954 que ED Nixon présenta Rosa Parks à un couple de blancs dont le mari était avocat, Virginia et Clifford Durr, qui s'impliquaient dans la défense des noirs et pour cela étaient ostracisés par la communauté blanche.
Rosa sympathisa avec Virginia Durr pour qui elle faisait des travaux de couture, et le couple l'encouragea à suivre une formation de 10 jours sur le thème « déségrégation : mise en œuvre de la décision de la Cour Suprême» à la Highlander Folk School de Monteagle (Tennessee).
Rosa y rencontra Septima Poinsette Clark, activiste du NAACP qui enseignait aux adultes à lire et écrire et les bases de l’éducation civique afin qu’ils puissent eux-mêmes enseigner et aussi s’inscrire sur les listes électorales.
Le jeudi 1er décembre 1955 vers 18h00, après sa journée de travail de couturière au grand magasin de Montgomery Fair dans le centre ville, Rosa Parks est montée à Court Square dans l'autobus en direction d’Avenue de Cleveland. Elle a payé son billet et s'est assise à un siège vide dans la première rangée des sièges réservés aux Noirs, la section "de couleur", situé au milieu du bus et derrière les dix sièges réservés aux passagers blancs. En fait, elle n'avait pas remarqué que le conducteur d'autobus était le même homme, James F. Blake qui déjà en 1943, l'avait obligée à descendre pour monter par l’arrière du bus et avait démarré sans l’attendre, l’abandonnant sous la pluie. Au cours du trajet toutes les places réservées aux blancs sont devenues occupées. Au troisième arrêt devant le Théâtre d'Empire, plusieurs passagers blancs sont montés.
En 1900, la ville de Montgomery avait édicté une ordonnance dans le but de séparer les passagers par race. On a donné aux conducteurs le pouvoir d'assigner des sièges dans ce but, cependant, ils n'exigeaient d'aucun passager qu'il se déplace ou cède son siège si le bus était bondé. Au fil du temps pourtant, les conducteurs d'autobus de Montgomery encouragés et même armés par les ségrégationnistes ont pris l'habitude d'exiger que les passagers noirs se lèvent lorsqu'il ne restait pas de place dans la partie réservée aux blancs.
Les 50000 citoyens noirs de Montgomery se plaignaient de la ségrégation dans les bus, il y eut des incidents, cependant la majorité n'était pas prête à entamer une action de masse.
Suivant la coutume, ayant remarqué que le devant du bus était totalement occupé de passagers blancs dont un homme était resté debout, le conducteur Blake a déplacé le panneau de la section "gens de couleur" derrière Rosa Parks puis exigé que quatre personnes noires cèdent leurs places pour que tous les passagers blancs puissent être assis.
Selon le témoignage de Rosa Parks, Blake a dit : " Vous feriez mieux d'y mettre du vôtre et de me laisser ces sièges." Il voulait que nous nous levions tous les quatre. Au début nous n'avons pas bougé mais il a dit : " Laissez moi ces places." Et les trois autres personnes se sont déplacées, mais pas Rosa. L'homme noir assis à côté d'elle a cédé sa place, Rosa s'est déplacée, mais vers la fenêtre, elle ne s'est pas levée pour aller vers la section "couleur" nouvellement attribuée. Alors Blake a dit, "Pourquoi ne vous levez-vous pas ? " Rosa a répondu, "je ne pense pas que je devrais me lever." Blake a appelé la police pour l’arrêter.
Des années plus tard, se remémorant les événements de ce jour, Rosa a raconté : "Quand ce conducteur blanc a reculé vers nous, quand il a fait signe de la main sa main et nous a ordonné de nous lever et de quitter nos places, j'ai senti la détermination me submerger comme un édredon par une nuit d'hiver."
"Les gens disent toujours que je n'ai pas cédé ma place parce que j'étais fatiguée mais ce n'est pas vrai. Je n'étais pas fatiguée physiquement, pas plus que d'habitude après une journée de travail. Je n'étais pas vieille, j'avais quarante-deux ans. Non, j’étais seulement fatiguée de céder."
Quand l'officier venu l’arrêter l'a emmenée, Rosa lui a demandé : "Pourquoi nous malmenez-vous ?" L'officier a répondu : "je ne sais pas, mais la loi est la loi et vous êtes en état d'arrestation." Elle en a ressenti une profonde humiliation.
Elle a été conduite en prison mais a pu téléphoner chez elle pour rassurer sa mère et demander à son mari de venir la chercher.
Rosa Parks a été accusée de violation du Chapitre 6 de la loi de ségrégation de la Section 11 du code de Montgomery, bien qu'elle n'ait pas occupé un siège réservé aux blancs car était dans la section de couleur.
E.D. Nixon alerté vit de suite l'intérêt symbolique du combat à mener, il appela Clifford Durr, qui accepta de contester la loi sur la ségrégation dont Rosa était la victime. Ils payèrent la caution pour libérer Rosa Parks dans la soirée même et la convainquirent de se constituer partie plaignante.
Ce même soir, l’avocat Fred Gray, s’est entretenu du cas de Rosa Parks avec le professeur de l'université d'État Jo Ann Robinson, membre du WPC (Conseil Politique des Femmes). Le WPC fut le premier groupe à approuver officiellement le boycott et l'équipe a ronéotypé toute la nuit plus de 35000 tracts qu'ils ont distribué le lendemain pour alerter les gens.
Les 35000 tracts distribués par le WPC disaient : "Une autre femme noire a été arrêtée et jetée en prison pour avoir refusé de laisser sa place dans un bus à une personne blanche… le procès de cette femme a lieu lundi.Nous demandons à tous les Noirs de ne pas emprunter de bus lundi en signe de protestation contre l'arrestation et le procès... Vous pouvez vous permettre de manquer l'école une journée. Si vous travaillez, prenez un taxi, ou marchez. Mais s’il vous plait, enfants et adultes, n’empruntez pas de bus du tout lundi. S'il vous plaît restez en dehors des bus lundi."
Le dimanche 4 décembre 1955, le projet de Boycott des bus de Montgomery a été annoncé dans les églises noires de la ville et le journal local Montgomery Advertiser a publié une copie du tract en première page.
Le lundi 5 décembre Rosa Parks a été jugée pour conduite contraire aux bonnes moeurs et violation d'une ordonnance locale. Ses avocats Charles Langford et Fred Gray plaidèrent non coupable mais ne la défendirent pas, ils souhaitaient que l’affaire soit portée dans une plus haute cour.
Le procès a duré 30 minutes, sans être appelée à témoigner, Rosa a été reconnue coupable et condamnée à une amende de 10 dollars, plus 4 dollars de frais de tribunal.
Elle a fait appel du jugement et officiellement contesté la légalité de la ségrégation raciale.
Il a plu ce jour là, mais la communauté noire a maintenu le boycott. Certains ont pratiqué le co-voiturage, tandis que d'autres ont voyagé dans les taxis conduits par des noirs qui ont facturé la course le même prix que le bus, 10 cents. La plupart ont marché.
Quelques blancs se joignirent aux noirs soit par solidarité ou par intérêt.
Dans l’après-midi de ce 5 décembre 1955, après le succès du premier jour de boycott, le Révérend Albernathy et quelques autres pasteurs se sont réunis en présences de ED Nixon et Fred Gray pour discuter de la stratégie future. Prenant conscience de la nécessité d’une nouvelle organisation pour conduire le boycott s'il devait continuer, ils fondèrent le Montgomery Improvement Association" (MIA) dont les membres élurent comme président un nouveau venu à Montgomery, un jeune pasteur inconnu de l’Église Baptiste de Dexter Avenue, le docteur Martin Luther King Jr.
Ils discutèrent des actions appropriées en réponse à l'arrestation de Rosa Parks. Rosa était la candidate idéale pour créer un précédent contre des lois de ségrégation de la ville et de l’état. Se méfiant de tout discrédit possible par la presse ségrégationiste blanche, ils avaient considéré le cas de Claudette Colvin de 15 ans, non mariée et enceinte, inacceptable pour être le centre d'une mobilisation de droits civils, de même, une autre femme, Mary Louise Smith, n'avait pas été défendue, la rumeur voulant que son père fut alcoolique. Martin Luther King considéra que Rosa était un des meilleurs citoyens de Montgomery toutes races confondues, mariée, employée, se comportant dignement et calmement et politiquement engagée.
Le même soir au rassemblement de l’Eglise baptiste de Holt Street, les participants ont unanimement voté la poursuite du boycott jusqu'à ce qu'ils puissent s’asseoir où ils le souhaitaient, qu’ils soient traités avec courtoisie et que des conducteurs noirs soient embauchés.
Quelques ségrégationnistes usèrent du terrorisme en représailles. Des églises noires furent brûlées ou dynamitées. Les maisons de Martin Luther King, de E.D. Nixon, des Révérends Ralph Abernathy et Robert Graetz furent attaquées, des gens assassinés.
Rosa Parks et son mari perdirent leur travail. Rosa travailla alors pour le MIA tout en faisant des travaux de couture à domicile. Elle fut invitée à des congrès dans le pays, notamment à New York et à San Francisco, fut interviewée par des journalistes.
A Montgomery le mouvement s'organisait, les chauffeurs de taxi furent arrêtés mais aussitôt remplacés par des camionnettes financées grâce à des collectes et conduites par des bénévoles, dont Jo Ann Robinson. Certains patrons transportaient eux-mêmes leurs employés.
Malgré les pressions de la police, les menaces, les licenciements, de nouvelles arrestations et d’autres procès, le boycott a été maintenu.
Des douzaines de bus publics sont restés inoccupés pendant des mois, endommageant sévèrement les finances de la compagnie, jusqu'à ce que la loi exigeant la ségrégation dans les bus publics soit reconnue inconstitutionnelle.
Le boycott des bus de Montgomery par la communauté noire fut un des mouvements populaires les plus fructueux contre la ségrégation raciale. Il a engendré beaucoup d'autres protestations et il a propulsé Martin Luther King Jr au premier rang de la Campagne pour les Droits Civiques.
Finalement, le 13 novembre 1956, la Cour suprême des États-Unis statua par l'arrêt Browdler v. Gayle que la ségrégation dans les bus était anticonstitutionnelle.
La nouvelle ne parvint à Montgomery que le 20 novembre 1956. Le boycott cessa le lendemain.
Toutefois, la violence continua avec des tirs contre les bus, les domiciles des avocats et des pasteurs et des explosions visant les églises fréquentées par les Noirs.
Ce n'est qu'en 1964 que les lois ségrégationnistes Jim Crow furent abrogées par le Civil Rights Act qui interdit toute forme de ségrégation dans les lieux publics, puis en 1965 par le Voting Rights Act qui supprima les tests et les taxes pour devenir électeur.
En 1957, toujours harcelée et menacée, Rosa partit avec son mari et sa mère s’installer à Detroit où vivait son frère Sylvester. Elle trouva un emploi intéressant au College de Hampton en Virginie mais elle n’y trouva ni travail ni logement pour son mari et sa mère, elle retourna à Detroit.
Devenue une icône pour le mouvement des droits civiques Rosa Parks continuait à voyager, à faire des conférences et des apparitions à des rassemblements. Elle participa aux grandes marches de Washington en 1963 et de Selma en 1965.
En mars 1965 elle fut employée dans l'équipe de John Conyers, représentant démocrate fro-Américain du Michigan à la Chambre des Représentants des États-Unis et pour lequel elle travailla jusqu'à sa retraite le 30 septembre 1988.
Malcom X fut assassiné en 1965 et Martin Luther King Jr le 04 avril 1968.
Ces meurtres bouleversèrent Rosa Parks et lui firent remettre en question son adhésion à la non-violence.
En 1977 Raymond Parks et Sylvester décédèrent et en 1979 ce fut sa mère Leona.
En février 1987, conjointement avec Elaine Eason Steele, Rosa fonda Le Rosa and Raymond Parks Institute for Self Development en l'honneur de Raymond Parks.
Elle fut honorée dans tout le pays, des statues érigées, des rues renommées en son nom. Rosa Parks résida à Detroit jusqu'à sa mort le 24 octobre 2005.
Après son décès, Georges Bush et l’ensemble de la classe politique lui rendirent hommage, elle resta exposée deux jours dans la rotonde du Capitole pour un hommage public. Des milliers de personnes et de nombreuses personnalités ont assisté à ses funérailles en l'église Greater Grace Temple à Detroit le 2 novembre avec les drapeaux en berne. Le corbillard lui-même fut suivi d'un bus des années 1950 recouvert d'un linceul noir.
Après son décès, la classe politique dans son ensemble lui a rendu hommage. Le président George W. Bush a honoré sa mémoire dans une allocution télévisée et son corps est resté exposé deux jours dans la rotonde du Capitole pour un hommage public. Une statue lui a été érigée dans le Hall national du Capitole.
Rosa Parks est célèbre pour son refus de céder sa place à un passager blanc dans un autobus le 1er décembre 1955, à Montgomery (Alhabama). Son arrestation et sa condamnation à une amende pour cet acte de résistance passive ont déclenché une campagne de protestation et le boycott de la compagnie de bus soutenu par Martin Luther King Jr. et qui ne faiblira pas jusqu'à ce que la Cour suprême déclare anticonstitutionnelles les lois ségrégationnistes dans les bus le 13 novembre 1956.
C'est dans son autobiographie "My Story" qu'elle raconte en détail son aventure.
Rosa Louise McCauley est née le 4 février 1913 à Tuskegee, en Alabama, d’un père charpentier maçon et d’une mère enseignante. Comme ses parents, Leona et James, ne s’accordaient pas sur un projet d’avenir commun, ils se séparèrent et Rosa partit très tôt avec sa mère et son jeune frère vivre chez ses grands parents qui possédaient une petite ferme à Pine Level.
Rosa savait très peu de choses de ses ancêtres paternels alors que son ascendance maternelle lui était très familière. Blancs et noirs s’y mêlaient, de son arrière grand-père irlando-écossais James Percival qui avait épousé Mary Jane, une esclave noire, au grand-père Sylvester Edwards, fruit métissé très clair des amours d’un propriétaire de plantation blanc avec sa domestique sang-mêlé et qui épousa Rose, une des filles de Percival.
Après l’abolition de l’esclavage, Percival et Mary Jane achetèrent des terres à la famille Wright et construisirent un cabanon ; ensuite, pour remercier Rose d’avoir continué à prendre soin d’elle, la fille de Wright lui fit cadeau d’autres terres et de la ferme. Ils étaient les seuls propriétaires noirs sur la plantation. Ils élevaient des poules, des vaches, cultivaient des légumes et avaient des arbres fruitiers, des noyers et des pacaniers. Pour gagner un peu d’argent ils travaillaient aussi sur la plantation pour Moses Hudson le nouveau patron, les femmes cueillaient le coton.
De santé et de constitution fragile, souffrant d’angine chronique, Rosa était moins développée que les enfants de son âge et manquait souvent l’école en hiver. Cependant sa mère qui continuait à enseigner veilla à ce qu’elle reçoive une bonne éducation et lui apprit elle-même à lire à trois ou quatre ans. Entre six et onze ans elle fréquenta plus ou moins régulièrement les écoles primaires rurales, souvent celles où enseignait sa mère puis à l'âge de onze ans, après l'ablation de ses amygdales, elle fut enfin assez robuste pour suivre les cours de l'Industrial School for Girls, fondée par des familles blanches du Nord pour les enfants Noirs, à Montgomery où habitait sa tante. Trois ans plus tard, après la fermeture de l’école, Rosa continua ses études secondaires à l'Alabama State Teachers College for Negroes mais elle dut les interrompre pour s'occuper de sa grand-mère et de sa mère, qui tombèrent malades.
Dès son enfance, Rosa fut témoin de la ségrégation profondément ancrée en Alabama.
Son grand-père Sylvester qui, après la mort de ses parents, avait été terriblement maltraité dans sa jeunesse par le nouveau propriétaire de la plantation, voulait que ses filles et ses petits enfants aient une bonne éducation et n’aient pas à subir la discrimination des blancs.
Rosa fut confrontée au racisme et prit conscience des différences de condition entre les enfants blancs et les noirs. Les écoles des blancs étaient subventionnées, construites et chauffées grâce aux impôts dont s'acquittaient blancs et noirs mais ces derniers devaient construire et chauffer leurs propres écoles où les enfants s'entassaient à 50 ou 60 par classe sans bureau pour écrire, avec de simples panneaux de bois aux fenêtres en guise de
carreaux. Les enfants blancs allaient à l'école en bus, jetant souvent des détritus par les fenêtres sur les jeunes noirs qui s'y rendaient à pied. Tandis que les enfants blancs fréquentaient l’école neuf mois par an, les enfants noirs n’y allaient que cinq mois car ils devaient aider les parents aux semailles de printemps et aux récoltes automnales.
Plus tard elle se souvenait encore des provocations des gamins blancs auxquelles il était dangereux de répondre et elle se rappelait aussi le Ku Klux Klan défilant sur la route devant sa maison et son grand-père près du feu sur son rocking-chair gardant son fusil de chasse à portée, les églises baptistes brûlées, les maisons incendiées et les meurtres.
Pourtant elle savait aussi que d'autres américains blancs, les Yankees du Nord, traitaient les noirs, adultes et enfants avec équité.
C'est à Montgomery, davantage encore que dans son village que la ségrégation était manifeste ; en raison des lois Jim Crow, la plupart des électeurs noirs étaient privés de leurs droits civiques.
Les lois Jim Crow étaient des lois d'état et locales faisant respecter la ségrégation raciale dans le Sud des États-Unis. Elle succédèrent aux lois qui avaient précédemment limité les droits et les libertés civiques des Afro-Américains entre 1800 et 1866. Edictées après la période de Reconstruction, ces lois sont restées en vigueur jusqu'à 1965. Elles ont imposé la ségrégation raciale « de droit » dans tous les équipements publics des anciens Etats Confédérés d'Amérique, à partir de 1890 avec un statut pour les Afro-Américains "séparés, mais égaux". Comparés aux équipements des blancs, ceux des Afro-Américains étaient systématiquement moins bons et insuffisamment financés. Cet ensemble de lois a institutionnalisé un certain nombre d’iniquités économiques, éducatives et sociales.
Les lois Jim Crow ont imposé la ségrégation dans l’ensemble des lieux et des services publics, les écoles, les transports, les toilettes, les restaurants, les fontaines.
Exemples de lois en Alabama:
concernant les Infirmières - « Aucune personne ou société n'exigera de n'importe quelle infirmière féminine blanche de travailler dans les salles d'hôpitaux, publics ou privés, dans lesquels des Noirs sont placés. »
Autobus - « Toutes les stations de cet État, quelle que soit la compagnie de transport, devront avoir des salles d'attente et des guichets séparés pour les blancs et pour les personnes de couleur. »
Transports ferroviaires - « Les conducteurs de train de voyageurs doivent assigner à chaque passager le wagon ou le compartiment qui lui est destiné selon sa couleur. »
Restaurants - « Tout restaurant ou tout autre endroit où est servi de la nourriture sera illégal s'il ne prévoit pas des salles distinctes pour les personnes blanches et de couleur, à moins que celles-ci ne soient efficacement séparées par une cloison pleine s'étendant du plancher vers le haut à une distance minimale de sept pieds et à moins qu'une entrée séparée soit prévue. »
La discrimination existait également au sein de l'armée des États-Unis comme dans tous les services administratifs fédéraux depuis la Présidence de Woodrow Wilson, président du Sud élu en 1913. En exigeant que les candidats soumettent leur photo, l'administration a pratiqué la discrimination raciale dans l'embauche.
Les soldats noirs avaient rarement de promotion et sur les champs de bataille on leur assignait toujours les corvées les plus pénibles, au front, la charge de ramener les blessés et les cadavres.
L'ensemble des lois Jim Crow ont été abolies par le "Civil Rights Act" (Loi concernant les droits civiques) de 1964 et par le "Voting Rights Act" (la Loi sur le Droit de Vote) de 1965 signées par le Président Lyndon Baines Johnson. Cependant des années d'action et de procès furent nécessaires pour clarifier les nombreux moyens de discrimination institutionnels.
En décembre 1932, Rosa McCauley a épousé Raymond Parks, un coiffeur de Montgomery. Né comme elle en Alabama mais orphelin de père et vivant dans un endroit où il n’y avait pas d’école pour les noirs, il avait seulement appris à lire et à écrire avec sa mère.
Activiste des droits civiques, il militait au sein du NAACP (National Association for the Advancement of Colored People – association de défense des gens de couleur), une organisation nationale fondée le 12 février 1909, date de l'anniversaire du Président Abraham Lincoln et dont les quartiers généraux étaient à New York.
Il s'occupait de nombreux cas et notamment ’collectait de l'argent pour soutenir un groupe de jeunes Noirs, les "Scottboro Boys", faussement accusés de viols sur deux femmes blanches et condamnés à mort.
Malgré le danger, les menaces, Rosa a participé au mouvement en récoltant des fonds et en assumant d'autres initiatives.
Encouragée par son mari et malgré ses charges familiales, elle reprit ses études secondaires et obtint son diplôme en 1933 ; cependant la ségrégation ne lui permettait pas de trouver un travail correspondant à ses capacités et elle a travaillé comme aide-soignante à l’Hôpital Sainte Margaret et comme couturière.
En 1941, grâce à la loi de Roosevelt interdisant la ségrégation dans les bases militaires, elle fut employée à la base de l’armée de l’air locale Maxwell Field.
En 1943, Rosa et son mari s’investirent pour obtenir le Droit de Vote. Elle-même, obligée de passer des tests, surmontant maintes difficultés et après plusieurs refus, finit par l’obtenir en 1945 mais dû acquitter une forte taxe.
Cette même année de 1943, tout en travaillant, Rosa Parks devint membre du NAACP et la secrétaire de son président E.D. Nixon. Elles n’étaient que deux femmes à l’époque dans la section de Mongomery.
Elle s’occupait des cotisations, du courrier, des communiqués de presse et surtout de l’enregistrement détaillé de l’ensemble des nombreux cas d’injustice et de violence traités.
Il n’était pas facile d’aider ces personnes, des femmes violées comme Recy Taylor d’Abbeville ou à l’inverse, des hommes accusés de viol par leurs petites amies blanches craignant des représailles, comme Jeremiah Reeves. Souvent les gens avaient peur de témoigner.
A la fin des années 40, après la seconde guerre mondiale, la situation a empiré. Les vétérans noirs qui avaient combattu pour défendre la liberté en Europe et où ils avaient été respectés et bien reçus n'acceptaient plus la ségrégation raciale. De retour dans le Sud ils furent méprisés,on leur refusa le droit de vote, ils ne trouvèrent pas d'emploi. Comme nombre d'entre eux, le frère de Rosa préféra partir s'installer à Detroit (Michigan) avec sa famille.
La violence des blancs s'intensifia dans tout le Sud, en Alabama et en Caroline du Sud et les personnes à défendre et les actions à mener se multiplièrent pour le NAACP. La haine et la violence connurent leur apogée en 1949.
En 1950, ED Nixon ne présidait plus mais restait très impliqué au NAACP. Il présidait la branche locale de la Fraternité des porteurs des Wagons-lits et utilisait son bureau en ville pour ses activités politiques et Rosa l'assistait bénévolement pour le secrétariat.
Le 17 mai 1954 la ségrégation dans les écoles publiques fut déclarée inconstitutionnelle par l'arrêt Brown v. Board of Education de la Cour Suprême des Etats-Unis. Cela avait commencé par des années de lutte dans les années 20 et 30 pour que les enseignants noirs soient payés comme les blancs. Ce n'est qu'à l'automne de 1945 que les salaires devinrent égaux.
Quand le NAACP s'engagea en 1951 dans la lutte contre la ségrégation dans les écoles, il a fallu trouver des gens qui se portent plaignants au péril de leur vie pour que les affaires parviennent en Haute Cour et soient finalement soumises à la Cour Suprême.
Après cela l’espoir en l’avenir était permis dans la communauté afro-américaine et deux avocats noirs s’installèrent à Montgomery, Fred Gray et Charles Langford.
C'est en 1954 que ED Nixon présenta Rosa Parks à un couple de blancs dont le mari était avocat, Virginia et Clifford Durr, qui s'impliquaient dans la défense des noirs et pour cela étaient ostracisés par la communauté blanche.
Rosa sympathisa avec Virginia Durr pour qui elle faisait des travaux de couture, et le couple l'encouragea à suivre une formation de 10 jours sur le thème « déségrégation : mise en œuvre de la décision de la Cour Suprême» à la Highlander Folk School de Monteagle (Tennessee).
Rosa y rencontra Septima Poinsette Clark, activiste du NAACP qui enseignait aux adultes à lire et écrire et les bases de l’éducation civique afin qu’ils puissent eux-mêmes enseigner et aussi s’inscrire sur les listes électorales.
Le jeudi 1er décembre 1955 vers 18h00, après sa journée de travail de couturière au grand magasin de Montgomery Fair dans le centre ville, Rosa Parks est montée à Court Square dans l'autobus en direction d’Avenue de Cleveland. Elle a payé son billet et s'est assise à un siège vide dans la première rangée des sièges réservés aux Noirs, la section "de couleur", situé au milieu du bus et derrière les dix sièges réservés aux passagers blancs. En fait, elle n'avait pas remarqué que le conducteur d'autobus était le même homme, James F. Blake qui déjà en 1943, l'avait obligée à descendre pour monter par l’arrière du bus et avait démarré sans l’attendre, l’abandonnant sous la pluie. Au cours du trajet toutes les places réservées aux blancs sont devenues occupées. Au troisième arrêt devant le Théâtre d'Empire, plusieurs passagers blancs sont montés.
En 1900, la ville de Montgomery avait édicté une ordonnance dans le but de séparer les passagers par race. On a donné aux conducteurs le pouvoir d'assigner des sièges dans ce but, cependant, ils n'exigeaient d'aucun passager qu'il se déplace ou cède son siège si le bus était bondé. Au fil du temps pourtant, les conducteurs d'autobus de Montgomery encouragés et même armés par les ségrégationnistes ont pris l'habitude d'exiger que les passagers noirs se lèvent lorsqu'il ne restait pas de place dans la partie réservée aux blancs.
Les 50000 citoyens noirs de Montgomery se plaignaient de la ségrégation dans les bus, il y eut des incidents, cependant la majorité n'était pas prête à entamer une action de masse.
Suivant la coutume, ayant remarqué que le devant du bus était totalement occupé de passagers blancs dont un homme était resté debout, le conducteur Blake a déplacé le panneau de la section "gens de couleur" derrière Rosa Parks puis exigé que quatre personnes noires cèdent leurs places pour que tous les passagers blancs puissent être assis.
Selon le témoignage de Rosa Parks, Blake a dit : " Vous feriez mieux d'y mettre du vôtre et de me laisser ces sièges." Il voulait que nous nous levions tous les quatre. Au début nous n'avons pas bougé mais il a dit : " Laissez moi ces places." Et les trois autres personnes se sont déplacées, mais pas Rosa. L'homme noir assis à côté d'elle a cédé sa place, Rosa s'est déplacée, mais vers la fenêtre, elle ne s'est pas levée pour aller vers la section "couleur" nouvellement attribuée. Alors Blake a dit, "Pourquoi ne vous levez-vous pas ? " Rosa a répondu, "je ne pense pas que je devrais me lever." Blake a appelé la police pour l’arrêter.
Des années plus tard, se remémorant les événements de ce jour, Rosa a raconté : "Quand ce conducteur blanc a reculé vers nous, quand il a fait signe de la main sa main et nous a ordonné de nous lever et de quitter nos places, j'ai senti la détermination me submerger comme un édredon par une nuit d'hiver."
"Les gens disent toujours que je n'ai pas cédé ma place parce que j'étais fatiguée mais ce n'est pas vrai. Je n'étais pas fatiguée physiquement, pas plus que d'habitude après une journée de travail. Je n'étais pas vieille, j'avais quarante-deux ans. Non, j’étais seulement fatiguée de céder."
Quand l'officier venu l’arrêter l'a emmenée, Rosa lui a demandé : "Pourquoi nous malmenez-vous ?" L'officier a répondu : "je ne sais pas, mais la loi est la loi et vous êtes en état d'arrestation." Elle en a ressenti une profonde humiliation.
Elle a été conduite en prison mais a pu téléphoner chez elle pour rassurer sa mère et demander à son mari de venir la chercher.
Rosa Parks a été accusée de violation du Chapitre 6 de la loi de ségrégation de la Section 11 du code de Montgomery, bien qu'elle n'ait pas occupé un siège réservé aux blancs car était dans la section de couleur.
E.D. Nixon alerté vit de suite l'intérêt symbolique du combat à mener, il appela Clifford Durr, qui accepta de contester la loi sur la ségrégation dont Rosa était la victime. Ils payèrent la caution pour libérer Rosa Parks dans la soirée même et la convainquirent de se constituer partie plaignante.
Ce même soir, l’avocat Fred Gray, s’est entretenu du cas de Rosa Parks avec le professeur de l'université d'État Jo Ann Robinson, membre du WPC (Conseil Politique des Femmes). Le WPC fut le premier groupe à approuver officiellement le boycott et l'équipe a ronéotypé toute la nuit plus de 35000 tracts qu'ils ont distribué le lendemain pour alerter les gens.
Les 35000 tracts distribués par le WPC disaient : "Une autre femme noire a été arrêtée et jetée en prison pour avoir refusé de laisser sa place dans un bus à une personne blanche… le procès de cette femme a lieu lundi.Nous demandons à tous les Noirs de ne pas emprunter de bus lundi en signe de protestation contre l'arrestation et le procès... Vous pouvez vous permettre de manquer l'école une journée. Si vous travaillez, prenez un taxi, ou marchez. Mais s’il vous plait, enfants et adultes, n’empruntez pas de bus du tout lundi. S'il vous plaît restez en dehors des bus lundi."
Le dimanche 4 décembre 1955, le projet de Boycott des bus de Montgomery a été annoncé dans les églises noires de la ville et le journal local Montgomery Advertiser a publié une copie du tract en première page.
Le lundi 5 décembre Rosa Parks a été jugée pour conduite contraire aux bonnes moeurs et violation d'une ordonnance locale. Ses avocats Charles Langford et Fred Gray plaidèrent non coupable mais ne la défendirent pas, ils souhaitaient que l’affaire soit portée dans une plus haute cour.
Le procès a duré 30 minutes, sans être appelée à témoigner, Rosa a été reconnue coupable et condamnée à une amende de 10 dollars, plus 4 dollars de frais de tribunal.
Elle a fait appel du jugement et officiellement contesté la légalité de la ségrégation raciale.
Il a plu ce jour là, mais la communauté noire a maintenu le boycott. Certains ont pratiqué le co-voiturage, tandis que d'autres ont voyagé dans les taxis conduits par des noirs qui ont facturé la course le même prix que le bus, 10 cents. La plupart ont marché.
Quelques blancs se joignirent aux noirs soit par solidarité ou par intérêt.
Dans l’après-midi de ce 5 décembre 1955, après le succès du premier jour de boycott, le Révérend Albernathy et quelques autres pasteurs se sont réunis en présences de ED Nixon et Fred Gray pour discuter de la stratégie future. Prenant conscience de la nécessité d’une nouvelle organisation pour conduire le boycott s'il devait continuer, ils fondèrent le Montgomery Improvement Association" (MIA) dont les membres élurent comme président un nouveau venu à Montgomery, un jeune pasteur inconnu de l’Église Baptiste de Dexter Avenue, le docteur Martin Luther King Jr.
Ils discutèrent des actions appropriées en réponse à l'arrestation de Rosa Parks. Rosa était la candidate idéale pour créer un précédent contre des lois de ségrégation de la ville et de l’état. Se méfiant de tout discrédit possible par la presse ségrégationiste blanche, ils avaient considéré le cas de Claudette Colvin de 15 ans, non mariée et enceinte, inacceptable pour être le centre d'une mobilisation de droits civils, de même, une autre femme, Mary Louise Smith, n'avait pas été défendue, la rumeur voulant que son père fut alcoolique. Martin Luther King considéra que Rosa était un des meilleurs citoyens de Montgomery toutes races confondues, mariée, employée, se comportant dignement et calmement et politiquement engagée.
Le même soir au rassemblement de l’Eglise baptiste de Holt Street, les participants ont unanimement voté la poursuite du boycott jusqu'à ce qu'ils puissent s’asseoir où ils le souhaitaient, qu’ils soient traités avec courtoisie et que des conducteurs noirs soient embauchés.
Quelques ségrégationnistes usèrent du terrorisme en représailles. Des églises noires furent brûlées ou dynamitées. Les maisons de Martin Luther King, de E.D. Nixon, des Révérends Ralph Abernathy et Robert Graetz furent attaquées, des gens assassinés.
Rosa Parks et son mari perdirent leur travail. Rosa travailla alors pour le MIA tout en faisant des travaux de couture à domicile. Elle fut invitée à des congrès dans le pays, notamment à New York et à San Francisco, fut interviewée par des journalistes.
A Montgomery le mouvement s'organisait, les chauffeurs de taxi furent arrêtés mais aussitôt remplacés par des camionnettes financées grâce à des collectes et conduites par des bénévoles, dont Jo Ann Robinson. Certains patrons transportaient eux-mêmes leurs employés.
Malgré les pressions de la police, les menaces, les licenciements, de nouvelles arrestations et d’autres procès, le boycott a été maintenu.
Des douzaines de bus publics sont restés inoccupés pendant des mois, endommageant sévèrement les finances de la compagnie, jusqu'à ce que la loi exigeant la ségrégation dans les bus publics soit reconnue inconstitutionnelle.
Le boycott des bus de Montgomery par la communauté noire fut un des mouvements populaires les plus fructueux contre la ségrégation raciale. Il a engendré beaucoup d'autres protestations et il a propulsé Martin Luther King Jr au premier rang de la Campagne pour les Droits Civiques.
Finalement, le 13 novembre 1956, la Cour suprême des États-Unis statua par l'arrêt Browdler v. Gayle que la ségrégation dans les bus était anticonstitutionnelle.
La nouvelle ne parvint à Montgomery que le 20 novembre 1956. Le boycott cessa le lendemain.
Toutefois, la violence continua avec des tirs contre les bus, les domiciles des avocats et des pasteurs et des explosions visant les églises fréquentées par les Noirs.
Ce n'est qu'en 1964 que les lois ségrégationnistes Jim Crow furent abrogées par le Civil Rights Act qui interdit toute forme de ségrégation dans les lieux publics, puis en 1965 par le Voting Rights Act qui supprima les tests et les taxes pour devenir électeur.
En 1957, toujours harcelée et menacée, Rosa partit avec son mari et sa mère s’installer à Detroit où vivait son frère Sylvester. Elle trouva un emploi intéressant au College de Hampton en Virginie mais elle n’y trouva ni travail ni logement pour son mari et sa mère, elle retourna à Detroit.
Devenue une icône pour le mouvement des droits civiques Rosa Parks continuait à voyager, à faire des conférences et des apparitions à des rassemblements. Elle participa aux grandes marches de Washington en 1963 et de Selma en 1965.
En mars 1965 elle fut employée dans l'équipe de John Conyers, représentant démocrate fro-Américain du Michigan à la Chambre des Représentants des États-Unis et pour lequel elle travailla jusqu'à sa retraite le 30 septembre 1988.
Malcom X fut assassiné en 1965 et Martin Luther King Jr le 04 avril 1968.
Ces meurtres bouleversèrent Rosa Parks et lui firent remettre en question son adhésion à la non-violence.
En 1977 Raymond Parks et Sylvester décédèrent et en 1979 ce fut sa mère Leona.
En février 1987, conjointement avec Elaine Eason Steele, Rosa fonda Le Rosa and Raymond Parks Institute for Self Development en l'honneur de Raymond Parks.
Elle fut honorée dans tout le pays, des statues érigées, des rues renommées en son nom. Rosa Parks résida à Detroit jusqu'à sa mort le 24 octobre 2005.
Après son décès, Georges Bush et l’ensemble de la classe politique lui rendirent hommage, elle resta exposée deux jours dans la rotonde du Capitole pour un hommage public. Des milliers de personnes et de nombreuses personnalités ont assisté à ses funérailles en l'église Greater Grace Temple à Detroit le 2 novembre avec les drapeaux en berne. Le corbillard lui-même fut suivi d'un bus des années 1950 recouvert d'un linceul noir.